POUR UN FONCIER ÉCONOMIQUE OPTIMISTE & OPTIMISÉ / RETOUR SUR NOTRE CONFÉRENCE-DÉBAT

Regards croisés à l’heure du ZAN / Pour un foncier économique optimiste & optimisé. C’est le thème de la dernière conférence organisée par le SCoTAM et l’AGURAM. Merci aux intervenants et aux participants qui ont rempli l’amphithéâtre de Centrale Supélec Metz, le 7 novembre dernier. Retour sur les échanges et les regards croisés des élus du territoires (Thierry Hory et Julien Freyburger) et de 3 experts (un économiste, une architecte-urbaniste et un architecte avec une approche paysagère).

Faut-il nécessairement consommer des espaces naturels, agricoles et forestiers pour accueillir des entreprises et améliorer les recettes fiscales ? Comment répondre à leur besoin en s’inscrivant dans la trajectoire de sobriété foncière qui prévoit Zéro artificialisation nette des sols à l’horizon 2050 ? Pourquoi est-il indispensable de requalifier et de densifier nos espaces d’activités ? Quel est véritablement le rôle des collectivités dans ces incontournables transitions ?

Des questions que se posent toutes les collectivités qui (re)pensent leur développement économique, et qui étaient au cœur des échanges.

Elles doivent réussir à concilier deux injonctions pouvant paraître contradictoires : donner la capacité aux entreprises de s’implanter et de se développer, tout en s’engageant dans une démarche de sobriété foncière, répondant (entre autres) à l’objectif ZAN.

Les regards croisés de nos experts, d’élus du territoire, mais également d’un économiste, d’une architecte-urbaniste et d’un architecte avec une approche paysagère nous ont permis de partager une vision à la fois optimiste et optimisée pour l’avenir de nos territoires et de leurs activités économiques.

  • QUE RETENIR ? PLONGEZ DANS LES VERBATIMS :

Pierre Fachot, président de l’AGURAM, conseiller délégué de l’Eurométropole de Metz, maire de Jussy

« Pour répondre aux enjeux qui tournent autour du foncier, et auxquels les élus sont de plus en plus confrontés, l’ingénierie de projet doit être présente, disponible, rigoureuse et réactive pour accompagner les collectivités, c’est ce à quoi s’emploient nos experts au quotidien à l’AGURAM. »

« Les collectivités ont un rôle facilitateur pour répondre aux besoins des entreprises, mais elles doivent désormais construire une stratégie de développement économique comprenant la connaissance et la maîtrise du foncier à l’heure où la trajectoire de sobriété foncière se dessine. Le ZAN, dont nous partageons la finalité, mais pour lequel nous manquons encore d’outils concrets, en particulier, fiscaux, nous pousse à anticiper et à instaurer dès aujourd’hui les conditions favorables pour accueillir des entreprises de demain. »


Henri Hasser, président du SCoTAM, vice-président de l’Eurométropole de Metz délégué à la planification et à l’urbanisme, vice-président de l’AGURAM, maire du Ban Saint-Martin

« Le SCoTAM est lauréat du Grand prix national du paysage 2024, décerné par le ministère de la Transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, au titre d’une démarche paysagère d’envergure, positionnée comme socle de l’urbanisme. Une démarche qui place l’usager, la maîtrise des coûts et l’adaptation aux changements au cœur du processus d’aménagement. Une démarche qui apporte des solutions pour accueillir les entreprises et les habitants qui souhaitent s’installer sur notre territoire. Elle apporte une vision d’ensemble, pratique et pragmatique mettant en cohérence les différents sujets d’aménagement (orientation des bâtiments, gestion de l’eau, voirie, biodiversité, fonctionnalités, etc.). Cette démarche paysagère ne consiste pas à ajouter un volet paysager à un projet, elle est conçue comme un fil conducteur dès le démarrage des réflexions. »


Thierry Hory, vice-président de l’Eurométropole de Metz, maire de Marly, président de la SEBL Grand Est

« On a tous, aujourd’hui, la volonté de faire autrement, de faire mieux. Il n’est plus possible de consommer des espaces naturels agricoles et forestiers et de mettre en danger la biodiversité et notre alimentation. Avant on faisait ‘n’importe quoi’ (avec les connaissances à notre disposition), mais faut-il pour autant ‘ne plus rien faire’ demain ? Un compromis est à trouver, et les acteurs de terrain le savent. »


Julien Freyburger, vice-président de l’Eurodépartement de la Moselle, président de la Communauté de communes Rives de Moselle, maire de Maizières-lès-Metz

« Je pense qu’il est largement possible de se mettre autour de la table et de réfléchir ensemble. Je ne vois pas la propriété privée dans les ZA comme un frein insurmontable car, selon moi, tout le monde ou presque a mis à jour son logiciel. L’intérêt commun à préserver n’est plus un sujet. Le sujet, c’est le comment. Et densifier fait partie des objectifs atteignables. Mais pour cela, il faut savoir se montrer agile. »

« Avant tout, il faut écouter, écouter les besoins. Toute démarche peut faire l’objet de l’adhésion populaire si tant est que l’on sait l’expliquer, la questionner, l’amender, la faire vivre ».

« On ne va pas empiler verticalement ce qui était horizontal, mais il faut trouver des solutions à la juste mesure de chaque lieu, des besoins, des usages et des usagers. Il y a des équilibres à trouver pour densifier de manière durable et pertinente et un seuil acceptable à cerner. »


Emmanuel Viau, chef de projet SCoT – planification grands territoires à l’AGURAM

« Tous les territoires qui se sont lancés dans l’élaboration d’un SCoT savent l’importance de bien considérer le foncie réconomique. C’est parfois le 1er motif de la consommation foncière, d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, devant l’habitat. »

« Il est bon de rappeler que le SCoT n’est pas un schéma de développement économique. C’est aux EPCI de les définir et les mettre en œuvre en s’inscrivant dans les orientations générales du SCoT. Si celui-ci formalise un projet de territoire partagé, il ne faut pas négliger les concurrences territoriales qui, certes, s’atténuent, mais sont présentes à toutes les échelles (communes, intercommunalités, SCoT, franges territoriales, départements). »

« On a pu estimer que 300 ha aménagés étaient disponibles dans les zones d’activités du SCoTAM en 2019. 175 en 2023 (-40%). Cela pose la question de la stratégie foncière à court, moyen et long terme alors que la trajectoire de sobriété foncière se dessine.

« D’après une récente enquête ‘Intercommunalités de France’, 85 % des EPCI agissent pour renforcer la connaissance de leur foncier économique, mais seulement 20 % déclarent disposer d’une connaissance précise de l’état du foncier (pollution, travaux). »

« Il y a un véritable enjeu en matière d’évolution, de densification et de requalification : est-ce qu’une zone, un parc d’activités sont toujours adaptés aux besoins des entreprises 15 ou 20 ans après leur aménagement ? »


Pierre-Cécil Brasseur, directeur associé Synopter, expert en développement économique

« 90 % des surfaces d’activités de 2070 sont déjà là… Il faut accepter collectivement de transformer l’existant. »

« Pendant la ‘période Covid’ on mangeait dehors, sur des parkings entre deux voitures, car les bâtis des ZA sont aménagés sans qualité d’usage. Il y a beaucoup de bâtiments qui surchauffent l’été. Ces zones, et leurs bâtiments, ne sont pas adaptés aux défis posés par le dérèglement climatique, dont les inondations : 2 communes sur 3 et 1 emplois sur 2 sont concernés par des risques naturels (données Cerema). »

« On a longtemps oublié l’intérêt de mettre des entreprises côte à côte. On pensait uniquement ‘sortie des tissus’ pour limiter les nuisances. Pourtant regrouper des entreprises qui peuvent travailler ensemble permet de mutualiser des coûts et d’éviter d’être seul face aux défis à relever. »

« Intensifier, c’est aussi repenser les pratiques, car si l’on ne fait ‘que’ densifier, on va aussi augmenter les bouchons le matin. Le travail ne porte pas que sur le bâti mais sur l’ensemble des espaces des zones : les sols, les voiries, les connexions douces, la gestion de l’eau… Il faut intensifier la qualité d’usage en créant des lieux de services, de rencontres qui génèrent du lien entre les usagers. Multiplier les synergies, cela demeure rare en France, alors que c’est une clé pour l’intensification.»

« Partout, en dehors des cœurs métropolitains, dans les villages et les bourgs, il y a des potentiels. Il faut (re)placer les activités, commerces et services, au plus près de nos lieux de vie. Le maintien du dernier commerce, ou plutôt du dernier artisan dans le village est un des grands enjeux futurs. »

« Il ne sert pas à grand-chose d’avoir du foncier disponible. Il faut avoir le BON foncier. Une offre suffisamment diversifiée, une mutualisation de moyens possible. Le rôle des collectivités est dans cet ‘à côté’ : renforcer les aménités, faciliter, créer du lien. La qualité d’usage fait l’attractivité. Pouvoir réduire les coûts fixes, avoir accès à des mobilités, partager des emplois, des espaces, des services, faire mieux, c’est inévitablement faire ensemble. 80 % du foncier est privé : il faut embarquer ces propriétaires, leur donner envie de s’investir.  »

« On a besoin de s’inspirer, d’aller voir, de marcher dans les zones (et même la nuit !). »


Flore Bringand, architecte urbaniste, architecte Conseil de l’État, maître de Conférences à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette, auteure de Faire la ville productive, 30 propositions inventives pour repenser les zones d’activités économiques, éditions Puca 2024

« Une tendance de ces dernières décennies : il y a moins d’emplois industriels et de plus en plus de bâtiments qui servent de lieux de stockage. Les activités pionnières étaient connectées à la voie ferrée ou à la voie d’eau et les usines d’autrefois, construites pour durer, sont devenues le patrimoine industriel d’aujourd’hui, à l’inverse des bâtiments d’activités actuels conçus pour un cycle économique et immobilier de 30/40 ans et connectés quasi exclusivement au réseau routier. L’immobilier d’entreprise durable, donc réutilisable et évolutif, reste à explorer si l’on souhaite bâtir le patrimoine industriel de demain. »

« L’espace public est un levier fondamental de la requalification des ZA, d’autant plus que les collectivités n’ont pas la main sur le foncier cédé aux entreprises. Les investissements publics/privés pour requalifier doivent être pensés bien au-delà du périmètre de la ZA, sinon on ne fait que maintenir, voire renforcer, l’enclavement et la monofonctionnalité de ces zones, ainsi que leur incapacité intrinsèque à évoluer. L’échelle de réflexion à convoquer peut-être celle de la commune ou d’une intercommunalité et à minima celle du rapport centre/périphérie dans laquelle se situent les ZA, pour ne pas générer plus de problèmes que l’on en résout (en matière de circulation, de mixité, d’accessibilité, etc.) ».

« Il faut arrêter avec le zéro contrainte ! Surtout à l’heure du ZAN. Oui, il faut pouvoir accueillir de nouvelles entreprises et de manière volontariste avec la réindustrialisation souhaitée, mais pas sans poser des règles pour le bien commun. »

« Penser le futur des ZA au moment de leur conception en intégrant la densification future, c’est non seulement possible mais désormais incontournable. Dans un plan guide, on peut anticiper le prochain cycle de mutation urbaine d’un quartier ».

« L’optimisation du foncier dès la 1ère implantation d’entreprise doit être pensée. Celle-ci peut se concevoir à partir de la combinaison réinventée de 3 systèmes : l’organisation de la trame viaire publique ; la définition de la taille et forme des îlots et la maîtrise de l’implantation des bâtiments et des tracés des voies privées de dessertes internes des parcelles. L’ensemble de ce dispositif permet, dans le temps, de mettre en place les conditions de la densification de la ZA et de son évolutivité vers un quartier plus dense, voir mixte. Cela implique donc de revoir totalement l’occupation usuelle des parcelles en ‘3 tiers, sans qualité urbaine’ (bâti au milieu de sa parcelle/espaces verts résiduels/espaces servants opportunistes) pour une occupation plus économe d’espace et plus urbaine qui augmente mécaniquement la densité nette de la parcelle. Même pour le cas spécifique des installations classées, tout en respectant la réglementation, il y a des marges manœuvres à explorer. »

« Il ne suffit pas de planter des arbres, ni même de s’appuyer sur une trame verte pour changer le modèle spatial obsolète des ZA, même si la prise en compte des enjeux paysagers, écologiques et de biodiversité sont déterminants. Il faut aussi repenser l’occupation du sol des parcelles d’activités et de manière générale ‘le bon usage du sol’, une condition essentielle pour faire des ZA, des quartiers plus urbains, densifiables et évolutifs au moindre coût et impact environnemental.


Agrippa Leenhardt, chef de projet urbanisme et recherche, agence Anma – architecture, urbanisme, paysage et espace public

« Il faut changer de paradigme : jusqu’à aujourd’hui, les acteurs de l’aménagement ont eu tendance à ne voir, dans le sol, qu’une valeur foncière et économique, liée à la constructibilié. Or il a une valeur écologique et fonctionnelle. »

« Au démarrage d’un projet, analyser la topographie est fondamental pour éviter, par exemple, les inondations sur les zones à risque (et de devoir déconstruire par la suite, ce qui entraine aussi des coûts très élevés pour la collectivité). Faire l’acquisition d’un terrain pour replacer des espaces publics à la place de logements ou d’entreprise est souvent compliqué/coûteux, mais pour un grand bénéfice : on peut viser la désimperméabilisation, maîtriser mieux les risques tout en apportant une qualité paysagère et de nouvelles fonctionnalités dans un quartier ».

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